lundi 18 novembre 2013

"Le courant lent de l'oeil des mots"

"Je dirais orage. Je dirais fleuve. Je dirai tornade. Je dirais feuille. Je dirais arbre. Je serai mouillé de toutes les pluies, humecté de toutes les rosées. Je roulerais comme du sang frénétique sur le courant lent de l'oeil des mots."

Aimé Césaire.

Cahier d'un retour au pays natal.





samedi 16 novembre 2013

" Choses bisaiguës"


                                                             Forêt de Wifredo Lâm

"que cherches- tu à travers ces forêts
de cornes de sabots d’ailes de chevaux
toutes choses aiguës
toutes choses bisaiguës…
j’ai reconnu aux combats de justice
le rare rire de tes armes enchantées…"
dit le poème. 
Wifredo Lam  du recueil Annonciation.

samedi 9 novembre 2013

"Accueillir l'inconnu sans le retenir"





Ecrire au dehors, en dialogue avec le vent, avec les pierres, avec la mousse qui ravine.
Mais qui écrit ? Ou qu'est-ce donc qui écrit  ? 

Des choses puis des mots viennent tailler la pierre. Des choses toutes faites, des choses volatiles qui ondoient dans l'air humide et dont les fragments semblent comme empassionnés par le dehors qui les disperse.  Mais une fois déposés, les voilà qui se retournent sur eux-mêmes pour dialoguer encore et "accueillir l'inconnu sans le retenir"... 




C'est une expérience intérieure tellement intime au monde qui l'entoure. C'est du moins ce qu'elle s'imagine. Car quoi de plus distinct qu'elle et le monde, si ce n'est le regard qu'elle pose sur lui ?

Et tous, choses et mots, viennent tenir parole, au festin du monde. Ce n'est pas une parole fixée, engagée, de celle qui coince et qui dit " je l'ai dit donc je le fais ! Je tiens parole, moi ! "Oh non. Pauvreté d'une parole qui croit saisir la lumière plate de la compréhension, celle des mots simples qui disent qu'une pierre est une pierre, qu'un arbre est un arbre et on y croit. Peau de chagrin d'une parole qui communique.

Ici, ils tiennent la parole et ils inventent en son sein, la richesse des mots pauvres, ils la déroulent, dans ses moires, dans ses incompréhensions, dans ses contradictions. Ils ouvrent la voie aux mots, aux images, aux couleurs. Des scènes surgissent, un imaginaire de la terre. Et ça parle de toujours. De ces milliers d'histoires si profuses que la nuit noire du monde ne peut toutes les contenir. C'est leur  version de tenir la parole. Fête de la parole. Jusque dans ses brisures, ses éparpillements, ses mots éclatés, insensés, dont il ne reste que l'écorce sonore qui vibre comme un gong encore et encore. Au loin. Dans la mémoire des arbres, du vent, des yeux de pierre, jusqu'à celle des brûle-parfums. Ils scrutent ton âme. Ils l'interrogent. N'entends-tu pas ?

Parler, écrire. C'est une voix circulaire, en archipel à travers le monde, qui jamais ne finit de dire. Et elle va jusqu'au point où  le langage trébuche et se suspend.