dimanche 18 mai 2014

Dialogue avec le Chat- Bouddha. 2


Je me souviens de toi, souriant. Tu dormais. Paupières mi-closes. Chat-Bouddha. Au museau en étoile. Une chanson d’enfant sur les lèvres :
« Clair de lune, blanc ivoire, où se dresse un banian, Petit bonhomme de la lune y embrasse un songe. Dans le silence, douceur tranquille, Petit bonhomme, que fais-tu dans la lune ?
Le vent n’a pas de maison, le vent vole en toutes directions, jamais le vent ne s’arrête …
La lumière s’est détachée, la voilà sur la colline. Puis elle a grimpé à l’arbre mais ses jambes fatiguées l’ont faite se poser là. 
Nous pénétrant de la rieuse lumière, nous voilà en joie, en jeu sommes prêts…
Si tu veux aller dans la lune, demande donc une échelle à monsieur Ciel. Au 15 Août, immense est la lune, demande une échelle à monsieur Ciel, si tu veux l’atteindre. »
Il a entr’ouvert les yeux. Le chien l’a regardé. Lui a dit l’air étonné :
-Où sont passées tes oreilles ?
-Je chantais. Point besoin d’oreilles quand on chante. Je ne supporte pas ceux qui s’écoutent chanter ou parler…
Vie du vent, vie de la lumière, remous de l’enfance. Où commence la vie ?
« Pour les âmes, la mort est de se changer en eau. Pour l’eau, la mort  est de devenir terre. Et cependant de la terre naît l’eau, et de l’eau, l’âme[1]. »
C’était un Chat-Bouddha. Le chien a regardé la mère et lui a dit :
-Tu dois aimer les chats.
-Pas forcément, a dit la mère.
Elle n’a pas su d’où lui était sorti ce mot «  Chat-Bouddha ». Peut-être des yeux de pierre de ce vieux bouddha qu’elle avait vu. Le front ébréché par le temps. Au sourire éternel. Résistant à tout. Inoxydable aux intempéries de la vie. 


Bouddha faiseur de boddhillons, en haillons mais si joyeux et si pauvres. Ils ne peuvent être que de pierre à être heureux en étant pauvres. Sans besoin aucun. Et courir pieds au vent. Comme les bambous jettent leurs dernières fleurs, avant de rejaillir en pousses neuves, bouddha fait ses boddhillons. Pour propulser non pas tant la vie, mais cette vigilance envers elle. 
Le chien est revenu interroger Chat-Bouddha.
-Tu crois que tu peux ainsi oublier la vie terrestre ? Tu commences à peine de vivre.
-Ceux qui ne savent pas écouter, ne savent pas parler. Jamais alors ne commencent à vivre.
Les volets battent contre le mur. Respiration du vent. Attentifs au souffle. Aux herbes, aux brindilles. Le chat s’est roulé sur le sol, pattes en l’air, au soleil. S’offrant aux caresses. A la chaleur. Aux sourire.
-Minou, mouni, minou !
Il n’a même pas daigné tourner la tête. Faisant mine de rien. Adolescent de quelques siècles.




[1] Héraclite, Fragments, 36.

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