mardi 30 septembre 2014

Marges


Toujours.
En exil de soi. Une lettre, une image, un monde. Et la chance d'un mot, un seul. Un pied dedans. Assigné à résidence. Un pied dehors. Courant vers les marges. Volutes volubiles. Enfilades et échappées.

Ecrire dans les marges ; entre les lignes ;  sous le point ; flottant sur la virgule ; en ce no man's land ; drone furtif.

Je me suis plongée dans leur encre. Et soudain ce texte de Jabès.

"Nous lie le livre, ou plutôt ce qui tend à se faire livre et qui jamais ne se fera.
"Un récit ? Non pas de récit, plus jamais." Le récit consiste à permettre le récit, à le laisser venir.
Aucun récit n'a lieu. Il n'y a point de lieu ici pour le récit.
Vos récits s'écartent de la voie du récit pour ne plus être que la découverte de la parole à sa fin, à ses derniers instants audibles, inscrits.
Linéaire, fragile, insidieuse est l'écriture ; d'une limpidité désarmante. Nulle part, le moindre excès. Quelle leçon ! Et quel miroir envoûtant ! Rassurante à certains égards, mais seulement en apparence. Ainsi, la transparence.
Comment dire ce qui nous lie ? -En me référant à l'exil peut-être, qui est le centre, la tache d'huile.
L'écriture est toujours refoulée.
Outre-vie, outre-nuit se tient le livre." 1






A l'ombre des piliers courbes. Tentatives d'écritures. Défaites. Ligne à ligne, mot à mot. Filant. Réflexions réfections. Molécules. Atomisées. Sous mes yeux. Elles ont pourtant rendu vie à l'effort. Et comme on dit rendre l'âme, elles l'ont remise aux mains du langage. Linceul de semblants.  Dont le souffle est venu effleurer les lèvres pierre de la nuit.

Je cherche. Est-ce le vouloir logé dans l'acte d'écrire ? Ou l'acte seul sans vouloir aucun. Je cherche écrire. Dans sa force dépouillée. Et je ris, de ce vouloir dérisoire. Revenu par la fenêtre. Figure archaïque. Indigente.
                                                        Logée en ses feuillets de pierre.
Billets de blog.
Poussières de vie.
Ecritures improbables.
Je vous cherche.

Faut-il se mettre en marge pour écrire ?





1.  E. Jabès, Le livre des marges, Biblio, essais, 1987, p 86.

lundi 22 septembre 2014

En transit temporaire




Le temps s'altère, entre deux escales. En suspens. Il compte ses moutons.  Et un, et deux et trois. Tous en nuages.





Sur les ailes


Loin des villes.


Une fois le grand passage, âmes errantes devenues, circule-t-on comme on voyage en avion ? En surplomb. Observant de loin la vie. Sans jamais s'inscrire dans aucune. Mais se projetant dans toutes. Intimités-odyssées. Et Calypso et Circé. En transit temporaire. Dans leurs îles éphémères.
Ecrire. Et puis retranscrire. 
Tous ces rêves de la vie. 
Et puis croire les habiter.
Encore. 
Toujours.
Bien qu'en surplomb. 

C'était
Sur l'aile d'un avion.




dimanche 21 septembre 2014

Temps déconstruit.

Je me suis demandée si les images que je voyais n'étaient pas toutes intérieures ...

Imprégnées de l'horloge d'un temps.

Au singulier.









Où se déploient des scènes puis d'autres

Jusqu'à leur déconstruction-traversée

Seulement Ecume.

Temps gris aujourd'hui.

Dimanches de la vie.

A partager avec les amis venus du net.

mardi 16 septembre 2014

Sphynge inquiète

Je t'avais toujours vue impériale et questionnante. Et te voilà égarée et inquiète.



Mutante accrochée à ton blason. Aux pattes griffues trop courtes pour tenir debout. Agrippée à la pierre. Les ailes durcies par les ans.

Je me suis retournée et te voilà soudain transformée. 



Petit animal apeuré. Rêve de pierre suspendu. On te dotait d'énigmes. De sanctions. Te voilà recroquevillé. Attendant le regard du passant. Ils connaissent tous l'histoire. Elle est rentrée jusque dans la moelle de leurs os. Blanchie. Comme la pierre qui les accueille. 

Questions. Réponses. 
Au détour de l'angle du mur.

Ton regard de pierre. A soupesé alors ce qui semblait si ferme. Les idées les plus dures. Devenues cendre avec le temps. 

Les vrais textes ne concluent pas. Ils ouvrent. Fourmillent. Comme le crépitement des pensées qui toutes, une par une, voudraient saisir. 





dimanche 14 septembre 2014

Tessons tessères


Ce sont des débris, à l'image de la vie, dispersés, disparates, disjoints, errant sur l'océan du temps.









Ils m'ont fait penser à ces débris que l'on trouve dans les jardins des vieilles maisons. Tessons de vies antérieures dont il n'y a pas à chercher la partie manquante. Car il n'y a jamais eu de tout. Débris seulement disparates, surtout incongrus. Sur le chemin. Parsemés. Tels ces bouts de verre enfouis dans le sable et arrondis par le ressac des vagues.

Tessons, tessères.Vous ne donnez rien à comprendre. Hors contexte, hors cadre, seulement singuliers. Dans cet été indien, chaleur à la lumière blanchie. Desquamant des socles de mémoire. Vers la fraîcheur des oublis. Lettres, mots, couleurs attendent. Suspendus. Dérivant. Dans leur coquille. Et guettant la faveur du temps.

vendredi 5 septembre 2014

Vases communiquants. 1. La maison de l'autre, avec Eric Schulthess


J'ai proposé à Eric, ce thème " la maison de l'autre", car écrire chez l'autre me l'a évoqué. Toile de fond où se trament des écritures peut-être neuves en passant par chez l'autre. Que déménage donc ce " chez l'autre" ?



"C'est ma maison" Texte de Eric Schulthess.



 C’est ma maison depuis près de trente ans. Pourtant je n’y dors pas. Je n’y ai jamais dormi malgré les semaines et les mois passés enfermé là-dedans, assis à la fenêtre constellée d’insectes morts qui fait face à ce pupitre à manettes où mes mains jamais ne trouvent le repos. Bruyante, cette demeure. Agitée. Toute la sainte journée, ça tape ici. Ça claque, ça vibre et ça couine. Le silence me manque.

Je ne parle presque à personne, perché là-haut. Parfois, je suis bruyant. Je siffle fort. Surtout lorsque ma maison se retrouve soudain plongée dans le noir. Dans un tube obscur qui peut être si long que je me demande si je vais en sortir. Alors je siffle et ma maison siffle à l’entrée du gros tube. À la sortie aussi. L’autre jour, des gamins ont fait mine de traverser sur mon chemin. Ils se sont ravisés au dernier moment. Grâce au sifflet qui prévient du danger. Parce que ma maison est très dangereuse. Voyageuse intrépide, elle se lance sur la voie que je lui choisis à chaque fois. Il ne faut pas se mettre en travers de sa route au risque de rejoindre dare-dare sa dernière demeure. Je me souviens aussi que ma maison a reçu des pierres plusieurs fois. Lancées depuis le ciel. Toc tac sur le toit. Elles ont frôlé la fenêtre. Je ne suis pas sorti pour attraper les coupables. Impossible.

Depuis quelques années, je retrouve ma maison décorée le matin. Pendant la nuit, des inconnus viennent lui donner quelques coups de peinture. Un peu brouillon je trouve, le travail de ces artistes. Ils ne connaissent pas bien l’orthographe. Sur la façade, juste en dessous de la fenêtre, ils ont écrit Zen. Mais avec un C à la place du Z. Zen. Il me faut bien l’être un peu dans cette maison où j’ai passé tant de Noëls et tant de vacances loin de mes enfants depuis près de trente ans. Seul face à la fenêtre, le cul posé sur un fauteuil en métal et le regard lancé sur ces rails qui défilent et qui claquent et qui couinent.

  




 Dans un an et demi, je quitterai cette maison pour toujours. Expulsé d’office je serai. D’autres s’en occuperont. C’est programmé. Plus besoin de siffler pour prévenir du danger puisqu’il n’y aura plus de danger. Je rêve d’une autre maison bien sûr. Pas trop le temps de la chercher mais elle commence à se dessiner dans mon imagination. Il y aura de grands champs tout autour. Et puis des volets blancs, un portail blanc, du lierre au mur et une cheminée haute. La fenêtre donnera sur des arbres et je pourrai enfin la laisser ouverte aux quatre vents. Je sais qu’elle plaira à mes enfants et à mes petits enfants. Ils y viendront en vacances et nous y passerons tous les Noëls.






"La maison de l'autre"Texte de Lanlanhuê chez Eric Schulthess