vendredi 25 juillet 2014

Littérature-monde ou l'extime à la lettre ?




Il est des phrases-écho. Venues d'Afrique, d'Asie, d'Amérique ou d'Europe. Parfois même nourries au sérail. Sympathiques. Attachantes. Attirantes. Doux mirages. Qui donneraient matière à cette idée folle d'une littérature-monde. Idée séduisante mais si désuète, empreinte de ses vieux rêves d'exotisme. Ou d''une altérité mondialisée, restée dans sa coque imaginaire, tapie dans la dérive du temps.

Une littérature qui se voudrait voyage, dérangement, déménagement, peut-être et surtout de soi-même. Nature. Hybride. Lumière... Qui amène ses questions sans réponses. Plurielles. Parsemées sur les ramures de la vie.


                                                 



Mais le propos me revint, insistant. De nuit, de jour, le monde m'habite. Il est cette intimité fraîche, qui se projette au dehors. Pétrie d'une voix que l'on croyait venue d'ailleurs. Mais elle n'était que cette voix sans matière, intérieure, répétée, remodelée, réinventée. A force, ex-time devenue. Terra incognita, car ce qu'elle fait entendre est si enfoui que ses accents se sont faits oublier et paraissent à présent étrangers. Fenêtre nouvelle soudain, sur le langage et ses racines-matière. Bouche, corps, membres. Ombres de la vie. 

Et tous sont venus résonner dans ma tête. Echos pentatoniques. Dans la paix du soir. Hier. Avant le coucher. Echos lointains.

Et je les faisais tinter. Cloches de bronze, cornes de brume, sur les océans du monde, elles sont venues retentir sur l'oreiller des songes.

Je me suis blottie dans les draps. Nourrie de ces empreintes singulières. Dans ces bains de matière, de langues et de langage, surgis de leurs mémoires d'hivers. 

Prendre à la lettre leurs effluves pour faire exister le mot-matière, la lettre-saveur, l'encre-odeur, le noir soufflé de vide d'un bain sonore enfoui.

  Dans les sacs de mots. Le vent-texture


Souffle

A la lettre

La lumière du monde.




lundi 21 juillet 2014

Mais c'est de nuit...

Il a plu toute la nuit. Sans relâche.

Le chien a gémi.

Orages, vent, bourrasques. Puis soudain dans leurs souffles, grondements, bruits, voix. Conflits peut-être. Enfouis dans la mémoire. Et voilà que tous remontent le courant. Pénètrent les rêves. Affleurent la lumière. Autres scènes. Impromptues, incertaines. La vie ne voulait pourtant pas de conflits. Mais voilà, elle bouillonne, elle s'interroge, elle remue, se retourne et n'arrive pas à dormir. Tombant par surprise, hachant les pétales, déchirant les feuilles. Tourmente de l'âme. Que tutoie le vent. 

                                                                  "Où suis-je ?" se dit l'âme. 

                                                                       En écho le silence.

Mais c'est de nuit.



Car il y a cette folle croyance que l'issue ne serait qu'accident. Pensées soufflées par le vent. Qui fait tourner la tête et brouille la conscience. Nature égarée. 

"J'entre où je ne sais, mais ne suis-je pas toujours là ?"  se dit l'âme.

En écho le silence.

Mais c'est de nuit




Il y eut tant d'orages.

Le chien  a gémi.
                                  
Humain, trop humain.

Contre la pluie.

Pluie.

Et encore

Pluie.

Goutte

à

Goutte.


Sur les paupières de la nuit.



























dimanche 20 juillet 2014

Loires




"Loin d'étendre l'oubli sur le pays qu'il creuse et nourrit, le fleuve nous indique simplement que partout chaque instant est un lever et un coucher, un crépuscule."

"Un héron passe. Les humains sont tenus au silence. Et le silence rassemble toutes les couleurs du jour, ses parenthèses."1.




1. Loires, Yves Jouan, L'Atelier du Grand Tétras, 2014, p 73.

mercredi 16 juillet 2014

Quand les mots fatiguent d'être seulement humains


Tu étais parti vers le bout du chemin. Je n'ai vu que ton dos qui s'éloignait sur le chemin de halage. En existe-t-il par ici, le long du fleuve? Chemin de surplomb, extrait des vagues, de leurs remous, protégé des trous d'eau qui emprisonnent la marche. Chemin qui nomme le fleuve.Tu es le fleuve.



Tu avais rêvé  les promenades de la vie. 


                                        


Amours et rencontres. Au singulier et aux pluriels. Et puis le temps rattrape déjà au  tournant. Déjà ? Là où affleurent l'ardoise et les rosiers de vignes. Et plus loin  dans les veinures du sol. Shiste et puis quartz, feldspath, mica. Hasard entremêlé des poussées de la terre.

Ne reste plus que le chemin. Mais trop de clarté. Aveuglante. Dissonnante. Et plus rien à comprendre. Et  surtout, peut-être, avoir tout compris de travers. Jokes entremêlés.

Acédie. Soleil de midi. Qu'ils disaient. Qu'ils écrivaient. Pourtant j'ai lu, relu, tourné autour des mots. Je les ai même soupesés, contournés, mis au travail. Extrait leur possible matière. Mais à force de les polir, lecture arasante, ils sont devenus vides, pauvres mots, belles écorces, mille reflets, miroirs multicolores, soupçons de réel.



    
C'est une lumière plate sans relief, éveillant à une vie sans ombres, ni saveurs, pauvre vie déshabillée, dénudée, disséquée. Réveil raté car sans reliefs ni restes. Lumière plate de midi où s'est épuisée la quête d'une essence qui n'a jamais appartenu à la vie. Le Roi est nu. La vie a des entrailles vides.

Elle est donnée pour en faire le chemin. Et  rien au-delà. Et tous ces textes et leurs documents qui faisaient miroiter un au-delà.

Il y a juste le soleil du matin et  celui du soir et puis celui de midi. Qui font jouer les étoffes de la vie. Il n'y a rien au-delà, ni essence, ni être, ni réel. Rien. Seulement des intuitions qu'ils ont érigées en vérité.


Pressentiment humain, trop humain..

Alors, des mots libres enfin  ? Mais non, mais non. Des mots. Pas tant pour ne rien dire. Mais seulement pour boîter joyeusement en chemin.

Chemin unique. Au terme paisible. Rien ne sert de lui en vouloir d'avoir des caillous, des hibous, des chous où s'épuisent les genous. J'ai du en oublier en chemin...

Mais qui parle  ?

J'ai beau appeler.

Personne ne répond. 

Mots, souffles, vents. Quand les mots fatiguent d'être seulement humains.

lundi 14 juillet 2014

Du doux mirage d'une langue-monde



                                           Ecouter le vent, humer les vagues, respirer les rêves. 


Peu importe la langue. 

Une langue, deux langues, trois langues. Entre-deux, en pidgin ou en créole. A saute-mouton, hirsute d'idiomes, allogènes ou autochtones. Une langue-monde enfin. Quel doux mirage. Qui parlerait un je-ne-sais-quoi. Qui bredouillerait un je-ne-sais pas. Pour chanter  un presque rien.

Arc-en-ciel dans la nuit noire du monde. Car le monde est sombre et d'anciennes peurs lui reviennent. Il veut évacuer, purifier, exterminer. Sortent alors de sa bouche d'ombre : ciel, nuage, pluie, tornade, guerre, pêle-mêle... 

Mots matière. Embrouillés. Empêchés. Trébuchants. Bombes devenus.

Puis les voilà terre, herbe, souffle, lumière enfin.

Peu importe leur langue.



Et ils pétrissent, ils transforment. Levain de la terre, souffle des saisons, alluvions de la matière, cycles de vie. Ainsi miroitent les échos du monde, en leurs bains de matière, leurs bouillons de langues et de paroles. Et je voudrais m'y baigner, m'en délecter, m'en pénétrer, puis les absorber.

Reste alors cette espérance folle. 

Les mots vivifieraient-ils comme la pluie d'été  ?
Apaiseraient-ils comme la chaleur où perlent les gouttes de soleil ?

Parfois...




Espérance folle. Que de se reposer à l'ombre des mots.






dimanche 13 juillet 2014

soleil du soir

Les mots se font vent, pierre ou bambous. Feuilles devenues bruissantes de paroles. Et le vent, et la pluie et puis la nuit. Je me sens parfois en panne quand le jour s'en va. Brume,  chaleur , moiteur vers le grand large.

Dire. Et puis dire, encore. Et un jour peut-être ne plus dire. 

Voilà  le silence.  A pas de loup, à pas de lune. 

Dans cet abri de l'être, ne reste alors que l'indulgence envers la vie. Quand les mots miment la nature et se font flaques, taches ou griffures. Palette de rêves. Esquisses du monde.

Mais où est passé le monde ?

Voilà l'été. 
Courant d'air de la vie.

Vite. 
Se reposer 
   Se souvenir
Oublier 
Inventer peut-être









Pour une écriture-monde







Nous avons devisé là où le Mékong a fait une boucle dans le temps. Un ami, venu me rendre visite, m’a parlé de La Magdalena, de Bornéo et de Singapour. Et de tant d’autres choses intimes avec le silence. Nous avons devisé,  sur ce frêle esquif de la langue.

Deviser en français. Ecriture-monde, parole-monde.

Un souvenir m’est revenu de mes années d’analyse.  Elles ont commencé par cette invite de Serge Leclaire : 

«Ecrivez-moi, je vous répondrai.» J’ai écrit, écrit durant toutes ces années et puis après, encore, toujours. Car Serge Leclaire accusait réception de ce qui n'était resté jusque là, qu'en poste restante. Et je parlais en vietnamien à quelqu’un qui ne le comprenait pas. Mais les mots en vietnamien ou en français, ou en « made in inconscient » sortaient de ma bouche. Ils franchissaient le gué. Et leur traduction était une danse dans le corps vers une vérité qui cherchait à se dire.
Vérité-fiction, semblant-mensonge de ce mi-dire de la vérité. Jamais atteignable. Toujours à l'horizon.

Un livre est arrivé ces jours-ci : Pour une littérature-monde.
Je l’ai parcouru.  «  Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère » disait Proust.

Nous avons devisé. Face au fleuve.


Il y a des lieux qu’il est possible d’habiter même quand ses amis s'en sont allés. Jan et Hannelore en font partie. Dans cette boucle du temps. Fleuve du devenir. Poser ses bagages, enfin. Dans les écorces croustillantes des mots.



Vignes et rosiers

Le fleuve


Un ami hollandais

Jan Doets
:-)



Une amie hollandaise
Hannelore Doets
:-)