jeudi 1 décembre 2016

Lumières d'hiver






Je l'aurais croisé dans la rue, c'est sûr, je l'aurais reconnu. Pourtant c'est sa mère qui était venue me parler, elle m'avait dit la fois dernière qu'il s'était jeté du pont, cela ne pardonne pas, il y avait une barque avec un pêcheur pas loin. Le pêcheur a entendu un grand bruit, il a eu tout juste le temps de se retourner. Il a appelé les pompiers, les secours sont arrivés très vite. Il s'est retrouvé à l'hôpital, fuyant les voix qui l'ont envahi sans crier gare, elles s'étaient organisées autour de mots, de sons venus de nulle part, tirées de l'épuisette de sa parole désamarrée.  La mère s'inquiète de son sort quand elle ne sera plus là. Elle le voit sur son radeau à la dérive du temps de sa vie. Elle préfère parfois ne voir que l'ici et maintenant, il va mieux, les voix se sont éloignées. Il est rentré à la maison, il dort, il fume, il boit du café, il prend ses médicaments. Elle s'est levée, elle a quitté la pièce. Elle m'en avait tant parlé que j'ai cru le voir dans le couloir. Je ne le connais pas mais c'est sûr, je l'aurais reconnu. Il m'aurait fait un signe de la main. Je lui aurais fait un signe de la main. Fantômes dans les couloirs de la vie. Solidaires...







4 commentaires:

  1. Très émouvant : les destins de ceux, croisés dans leurs détresses, entre vie et mort, pris dans des voix, se font pour nous qui les avons entendues aussi à travers eux, ces voix, mots et présence,jusqu'à la reconnaissance qui peut-être leur sera renaissance, amarre retrouvée. Entre flou et précision, eaux incertaines et barques tranquilles, le paysage aussi, ici, se fait solidaire.

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    1. le temps, ses répétitions, chronicités de la vie, je pense souvent à eux quand je passe vers le pont.

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  2. Quelle photo magnifique, paisible. Quelle plénitude du paysage fluvial. Mais bien sûr on sent qu'il peut accueillir tous les drames comme tous les bonheurs.

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    1. ils charrient bien des histoires, parfois même de la grande histoire. Mais leurs images paisibles rassénèrent.

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