"L'écriture commence où finit la psychanalyse[1]"J’ai
su au moment où j’ai lu cette phrase, qu’il ne s’agissait pas tant de
l’impuissance de la psychanalyse à traiter de certaines choses. Ce qui
n’excluait pas le fait non plus que certaines choses lui étaient
impossibles. Mais j’ai su qu’elle avait cette capacité à laisser ouverte
l’aventure de la lettre. De pouvoir l‘accueillir. La lettre féminise. En son accusé
réception. Dans cette grammaire au féminin. Et ce rapport proximal avec la
langue de l’inconscient, dégagée de la gangue qui rendait inaudible sa voix.
Puis est venu le temps de la méfiance envers une certaine jouissance
esthétique. Un rythme m’échappait parfois. Mais une fois écrit, voilà que je
n’en voulais plus. Il me fallait changer de rythme, chercher autre chose.
L’écriture s’est ainsi modifiée sans que je ne me rende compte. Au fil des
jours. Au fil aussi de la lecture de blogs amis. Leur présence à tous m’a
modifiée comme leur travail avec le langage. Je les en remercie. Blog de Jan
Doets qui m’a accueillie en son « refuge pour les dépaysés ». Blog-laboratoire.
Au fil des mois. Où mon écriture m’est devenue parfois étrangère à moi-même.
Extimité qui me traversait de part en part. Eurékà de l’altérité.
Ecrire en langue. En immersion dans le langage. Souricières du
désirs, de formes, de redondances, avec parfois des ratages qui font, dans les
oreilles, comme le crissement de pneus qui dérapent sur le gravier. Ils ont
beau vouloir dire et dire encore, mais les mots grésillent parfois. J’ai trouvé
en eux, parfois, des figures brûlantes de vérité. Et elles ont carbonisé les
lignes que j’avais l’habitude d’écrire. Plus de trace aucune jusque dans la mémoire.
Pulvérisées. Jusque dans leur ombilic même.
Cendres chaudes, venues de strates que j’oubliais au fur et à
mesure, et leur vide m’allégeait. Elles suivaient une dérive que je n’arrivais
pas à saisir, sur ce que certains nomment le « fleuve du devenir ».
Je regarde l’eau du fleuve. Tous les matins. Essayant de m’en
pénétrer.
Ecrire en langue était ma première certitude. Travail de la
langue. Poésie qui n’est certainement pas rhétorique, mais seulement joie
simple des mots qui ne baignent plus dans les sens familiers.
C’est ce métissage expérimental que j’ai essayé de réunir. Non
dans une logique de textes. Il n’y en a pas. Mais ils me sont apparus au
contraire, superpositions, géologies, fractales, d’un parcours, espaces, temps,
brouillés, décalés. Chaque texte m’est apparu comme une étape d’un chemin de
randonnée, GR du rêve, errant le long
du rivage. Alors j’ai vu pousser des gargotes où il était possible de
s’arrêter. Un instant. Ah, déguster des madeleines qui n’ont jamais existé mais
qui voudraient, chacune à elle seule, faire apparaître la fleur de sel du
langage, sa morsure sur la peau des mots. Ambitieuses délicatesses.
J’ai
alors vu boiter sur le chemin de halage, s’en allant de dos, cahin-caha, bras
dessus-bras dessous, des poésies en rébus. Rebuts obliques et ironiques.
Paroles en connivence avec le silence. Lumières et nuits de l’âme. J’ai alors
pris ma lampe torche et j’ai essayé de les suivre.
1. S André, Flac, récit suivi de " l'écriture commence où finit la psychanalyse", Que, p 149.
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