"La communication en littérature n’est pas
simple appel de l’écrivain à des significations qui feraient partie d’un a
priori de l’esprit humain : bien plutôt elles les y suscitent par entraînement
ou par une sorte d’action oblique. Chez l’écrivain la pensée ne dirige pas
le langage du dehors : l’écrivain est lui-même comme un nouvel idiome
qui se construit, s’invente des moyens d’expression et se diversifie selon
son propre sens. Ce qu’on appelle poésie n’est peut-être que la partie de la
littérature où cette autonomie s’affirme avec ostentation. Toute grande
prose est aussi une recréation de l’instrument signifiant, désormais manié
selon une syntaxe neuve. Le prosaïque se borne à toucher par des signes
convenus des significations déjà installées dans la culture. La grande prose
est l’art de capter un sens qui n’avait jamais été objectivé jusque-là et de le
rendre accessible à tous ceux qui parlent la même langue. "
M. Merleau Ponty, La prose du monde, Gallimard, 1969, p 12.
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