" Je gravissais un sentier de montagne en me disant : à user de son intelligence on ne risque guère d'arrondir les angles. A naviguer sur les eaux de la sensibilité, on s'expose à se laisser emporter. A imposer sa volonté, on finit par se sentir à l'étroit. Bref il n'est pas commode de vivre sur la terre des hommes.
Lorsque le mal de vivre s'accroit, l'envie vous prend de vous installer dans un endroit paisible. Dès que vous avez compris qu'il est partout difficile de vivre, alors nait la poésie et advient la peinture.
Le monde humain n'a été créé ni par les dieux ni par les démons. Après tout ce sont des personnes ordinaires comme vos voisins immédiats. S'il est difficile de vivre dans ce monde humain que des hommes ordinaires ont créé, il ne devrait pas subsister de pays où s'installer. Il ne reste qu'à se rendre dans un pays sans hommes. Or il doit être plus dur de vivre dans un pays sans hommes que dans le monde humain.
Puisqu'il est difficile de vivre dans un monde que l'on ne peut quitter, il faut le rendre un tant soit peu confortable, afin que la vie éphémère y soit vivable, ne fut-ce qu'en ce laps de temps éphémère. C'est alors que se déclare la vocation du poète, c'est alors que se révèle la mission du peintre.Tout artiste est précieux car il apaise le monde des humains et enrichit le coeur des hommes."
Natsume Sozeki, Oreiller d'herbes, p 9, Rivages poche, Payot, 2015.
"Dès que vous avez compris qu'il est partout difficile de vivre, alors nait la poésie et advient la peinture."...comme c'est vrai.....Parole de "border-line"....
RépondreSupprimerà la frontière des mots et des images familières, des espoirs de mondes, je pensais aussi à certain nom de plume d'un peintre du 17ème : " longues lettres d'un empoté" où l'humour nous sauve ;-))
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