Il m'a parlé ce jour là de son travail d'éclairagiste. Il double les spectacles de lumières, de gels et de filtres de couleurs. Il se posait la question de savoir comment rendre la chair des acteurs. Carnation impossible à saisir selon le bleu ou le rouge qui pouvaient les accompagner en fond de scène.
Il était si passionné. Ses créations de lumières étaient comme des créations dans les créations. On l'appelait maintenant pour cela.
J'ai pensé alors à ce regard rouge De la Tour et à ce bleu Vermeer qui venait de ce plat pays d'un ami. Des regards qui se croisent et qui cherchaient tous l'énigme de la carnation. Mise en chair d'une étrangeté d'un regard tourné vers l'intérieur ou tourné vers l'autre.
Je l'ai revu des années auparavant à son âge d'adolescent où on l'étiquetait "dyslexique". Il ne comprenait rien à rien et quand il parlait, il avait le sentiment de traduire ce que disaient les autres dans une langue qui leur était inconnue. Son père le sommait de ne plus parler "sauvage". C'étaient des prouesses sans nom que d'avoir assimilé l'électricité et les couleurs et de pouvoir s'adonner à un monde qui lui faisait peur, la littérature, le théâtre, lui qui ne savait pas l'orthographe.
Et maintenant on l'appelait pour créer des tableaux, des scènes troubles et étranges où il agençait des couleurs, des images et des vidéos derrière les personnages. Il filmait et les repassait sur la scène comme en une toile de fond vivante. C'était une vision double qui créait un effet décalé et pliait les strates de la réalité.
Je l'ai vu soudain se retourner et j'ai saisi son regard bleu fraîcheur et ses questions sur la carnation....
Bel hommage !
RépondreSupprimermerci pour lui, créateur qui s'est trouvé une question troublante : de la chair de la vie et des personnages...
Supprimer