dimanche 9 avril 2017

Questions méditatives





Elle a questionné et questionné, quêtant une vérité, peut-être la sienne, dans les réponses qu'elle cherchait du côté de l'autre, prélevant les mots qui lui en venaient pour chercher les signifiants qui l'apaiseraient. Les questions induisaient-elles des réponses, mais surtout des discours et des tonalités d'affirmations, de certitudes bien déplacées, insupportables, dont aucune ne lui convenait. Entre questions sans fin, mimant l'innocence d'un non-savoir, qui venaient critiquer l'autre et affirmations de certitudes qui effaçaient la fraîcheur de sa recherche, lui est apparue cette étrange découverte, celle d'un chemin oxymorique pulsant entre questions et réponses, sur un bord toujours instable. Comment dire sans placer l'autre en cette position de maître et de savoir qui viendrait induire l'esclavage d'une énonciation ? 
Il lui est revenu cette anecdote que je raconte ici de façon peut-être déformée. Un jeune disciple avait fait un long chemin pour venir voir un maître zen renommé. Il arriva le premier jour et lui expliqua le sens de sa démarche, ses sacrifices pour venir le voir et poursuivre sa quête et son chemin. Le maître lui répondit : " reviens demain" . Le jeune disciple revint le lendemain et le maître lui fit la même réponse. Au bout de quelques jours, le jeune disciple s'impatienta et interpella son interlocuteur en lui réclamant enfin une réponse. Ce dernier lui répondit  alors : " ne vois-tu pas que nous dialoguons déjà ?"
Sans faire l'apologie du silence et de l'absurdité apparente de la situation, une voie s'ouvrirait à l'encontre du discours courant. Inclure le silence, soit le suspens de la réponse, même momentanément, déplacerait-il le torrent de questions et l'aliénation qui découlerait dans ce type d'adresse à l''autre. Ce type d'énonciation porterait-il la part de responsabilité de celui qui l'émet en posant des questions, voire même en se posant comme en opposition, en révolte, porterait-il sa part de responsabilité dans la construction du tyran ? La réponse n'est sans doute pas univoque, car quel est le chemin, et le temps du disciple, figure ici du commun des mortels, éternel apprenant en son trajet de vie, face à cette autre figure psychique qu'est cette image du " maître", dotée d'un objet qui pourrait se prendre enfin.
Une autre phrase lui est revenue mais de qui est-elle donc ? " L'homme vaut les questions qu'il se pose. "
Questions méditatives... peut-être sans réponses, ou aux réponses partielles et plurielles, voire temporelles. Oxymore est le chemin, a-t-elle dit. Est faux, ce qui tombe à côté, falsus, mais vertu aussi de ce falsus, de cette faux qui déblaye et débroussaille le chemin. 
Soleil ou lune a semblé se demander le jour ce matin. La promenade m'a semblé belle...



4 commentaires:

  1. Ce texte me parle beaucoup; il rejoint ma voix (voie) intérieure; je connaissais cette histoire zen. Longtemps je me suis interrogée sur le désir de maîtrise et tous ses masques, injonctions, séductions; sur les réponses à éventuellement attendre ou découvrir, jusqu'à me dire un jour que la réponse mettrait à mort la question... C'est pourquoi les "koans" m'ont longtemps intéressée. Et l'oxymore, la figure poétique que je préfère, merci Héraclite, vient dire qu'il n'y a pas de réponse et que l'essentiel se joue, silencieusement, obscurément, transitant entre les deux termes apparemment opposés: tous les gris possibles entre la lumière et l'obscurité, ou toutes les couleurs imaginables comme dans cette admirable photo où tremble l'eau sous les hésitations d'un ciel entre lune et soleil. Merci Huê pour ce texte essentiel et pour cette image, tous deux appelant la méditation. Mais il y aurait tant à penser, que dire limite le champ! Une très belle journée à vous.

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  2. merci chère Noëlle de cet écho venu de " l'intérieur" de l'exercice de la voix, ou de la voie, je ne sais. L'une plus ancrée dans l'animalité de la condition et l'autre plus langagière. Entre koan et poésie, il est des réponses qui parfois ménagent questions et réponses, toujours sensiblement ouvertes, serait-ce pourquoi elles continuent de susciter, d'imprimer mouvements, révocation comme fraîcheur toujours en marche. La nature fourmille parfois d'allégories vivides ;-) Il va faire beau je crois, très belle journée à vous. Merci de votre visite.

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  3. Cette magnifique photo du matin rose n'est-elle pas une "apologie du silence"...

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    1. elle appelle au silence ;-)c'est vrai, douceur du matin

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