lundi 7 août 2017

au plus fort des vagues insomnie













Connais-tu l'océan à C.. ? Comment te dire c'est là où il l'a écrite cette pauvre histoire... tu ne me crois pas ...mais comme tu le connais... t'y vois-tu ? ... car tu y es peut-être toi aussi sur le sommet de cette colline... écoute alors... il était parti il y a longtemps déjà comment dire cela fait quelques décennies qu'il cherchait cette butte de terre qui surplombe l'océan...il avait demandé à tant de monde... il cherchait son chemin et la pierre à forme humaine au sommet de la colline... oui tu sais celle que tu as vue hier qui surplombe l'océan...il y en a qui demandent où est la mer il faudrait leur dire ah oui l'océan mer c'est ce que vous cherchez pauvres bêtas qui cherchez l'eau... et parce qu'ils l'aiment ils la nomment mer... tout ce qui leur tombe sous la main des mots... mais tant que les mots n'arrivent pas encore au pied de ce que peuvent dire les mouettes du large... comment veux-tu dire... il a cherché sur les cartes il a examiné les photos mais c'est une ballade par hasard le long du sentier côtier qui l'y a amené... par ici il n'y a qu'histoires de marins mais lui s'est souvenu d'une histoire venue de la terre... tu veux que je te raconte ce qu'il a trouvé dans les archives du village ? il l'a écrite et puis raturée et puis réécrite... mais tu sais parfois son esprit vagabonde... il regarde les mouettes dans le ciel... cela le perturbe c'est sûr... drôle d'histoire est-elle vraie est-elle fausse je n'en sais moi-même rien... mais peut-être n'as-tu vraiment pas besoin de cette vérité.... tout ce que je vais te dire n'est peut-être pas si faux je le tiens de lui je l'ai vu comme je te vois il buvait à cette table un soir où je me suis assise... tu n'as même pas besoin de fermer les yeux et de humer le large et de te dire dans ta tête pour toi seul comme quand tu étais petit " il était une fois ou peut-être deux"... c'est l'histoire d'une roche à forme humaine et l'on raconte dans les terres que c'était une femme qui était venue là elle portait son enfant et attendait attendait et il faisait si froid et les saisons passaient... ah non tu ne me crois pas ? ah excuse moi je te voyais sourire je me suis méprise je croyais que tu ironisais non non je continue ? elle attendait son homme qui était parti naviguer au loin... voyageur ou pêcheur on ne sait exactement ce qu'il est devenu pour les gens de la terre c'est la même chose...et puis tu sais dans le village d'où elle vient avec son enfant et d'où elle n'est jamais revenue oui les gens du village racontent qu'elle était en voyage quand ayant perdu ses parents les services sociaux se sont occupés d'elle... elle a grandi et puis elle a trouvé du travail et puis rencontré cet homme... ils se sont plus se sont connus ont eu un enfant ont établi leur vie ensemble...oui il y a du vent ici... sacré vent il emporte tout démâte même les bateaux qui partent au large... orages surtout après la mi-aout... un jour qu'elle se lavait les cheveux elle les lâcha devant elle et l'eau coula sur ses cheveux cela faisait des milliers de chemins d'eau petits serpents à travers la forêt et soudain il voit une cicatrice... l'homme ou celui qui écrit ? les deux tu me diras... ont eu le regard accroché par cette étrange tache rosée cicatrice chéloïde qu'on ne trouve que là étoile boursoufflée à même la tête... alors l'homme lui posa cette question comment donc t'es-tu fait cette blessure ? elle sourit et dit oh il y a très longtemps je jouais avec mon frère quand il a laissé tomber des mains un petite chose je ne me souviens plus quoi sur ma tête... alors on nous a séparés... celui qui écrivait leva la tête et non tu ne devineras jamais... c'est peut-être pure invention de ma part mais voilà ce qu'il a retranscrit tu sais c'était mon frère et il m'a blessée... l'homme sursauta... celui qui écrit ou l'homme qui vit dans le village en pleine terre ? les deux peut-être... regarde toi-même tu as sursauté... l'homme du village en pleine terre se leva le visage défait il observa la jeune femme cherchant soudain des moues familières il quitta la maison... on ne le revit jamais... les gens du village racontent que c'était son frère qui après lui avoir fait cette blessure partit pour toujours mais voilà qu'il l'avait retrouvée et que par deux fois il l'avait blessée... alors elle est allée au bord de l'océan elle l'attend sur cette butte et la voilà devenue pierre... frère et soeur dit la langue... avait transcrit l'homme... que dis-tu... cause toujours... ah ça te cause !...tu vois la pierre faite femme attend toujours... les saisons ont passé... le froid le chaud ne l'ont pas fissurée... ah tu crois qu'il a seulement copié cette étrange histoire que racontent les pauvres d'esprit du village ? toi non plus tu n'y crois pas... à quoi ? écoute le bruit des vagues... et les cris des mouettes qui se fracassent sur le roc du rivage... étrange langue océan face à la terre d'où se lèvent les mots obscurs qui défendent l'accès... que dis-tu ? je m'emballe je m'emballe et tu n'en crois pas un mot...je te dis que je ne fais que raconter ce que j'ai entendu il me l'a dit l'autre soir là à cette terrasse de café il était assis sur cette chaise il buvait ce drôle d'alcool qu'ils font par ici ah il a dit aussi qu'il n'écrit que le soir... quand tombe le bruit des hommes... mais au plus fort du grondement des vagues insomnie... 


Sur la proposition numéro 4 de l'atelier d'écriture de  F.Bon
 à partir de Nathalie Sarraute : http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4456

8 commentaires:

  1. plaisir de retrouver texte découvert ce matin sur le tiers livre **

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  2. Superbe. Une histoire qui "nous cause " dans tous les sens, celui de ces mots, de ces récits indirects quasi impersonnels (car qui est qui?) feuilletés, comme les strates rocheuses sur la première photo puis se rassemblent en un récit aussi énigmatique que jetée en mer de la seconde photo. Vous lisant, j'ai pensé à Duras ou à Mauvinier. Merci Huê pour ce "charme".

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  3. merci de votre retour Noëlle, structurel, structural est ce qui nous cause et qui ne cesse de parler, gronder, murmurer, réveiller, insomnier ;-)) ; la vie n'est qu'un songe peut-être partagé qui attend son réveil. Je pense à cette expression si humoristique de Proust : les vivants ces morts qui ne sont pas encore rentrés en fonction ! ah cher Proust... belle soirée Noëlle !

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    1. L'affirmation de Proust me "cause" plus que tout!

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    2. n'est-ce pas ? le réveil du songe... mais rien ne presse ;-)

      belle journée à vous
      huê

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    3. Oui, certes, des jours, rien ne presse... et puis d'autres, une hâte, pourtant patiente, gagne... :-)
      Bonne soirée/nuit Huê.

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    4. bonne soirée aussi à vous Noëlle
      :-)

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