lundi 28 octobre 2013

Sourires de pierre



C'est un sourire de bouddha.. Il a les lèvres effacées par les mains des pèlerins venus cueillir à sa bouche le souffle qui leur manque. J'aimerais.

Serait-ce celui d’une femme ? Ou celui des jeunes moines croisés sur le chemin ? Leurs rires rebondissent encore sur les cailloux. Ils racontent le jour, la nuit, l’histoire de la pluie. Ils font oublier l'histoire des malheurs des hommes. 

De l’autre côté de la terre, j’ai croisé un christ roman au sourire si doux. J'ai parcouru la courbe de son ovale. J'ai sondé son regard jusque dans le grain de la pierre, fouillant les cataractes de ses yeux aveugles. J'aimerais.

Sourires de pierre.

Histoires opaques, aux particularités effacées dont il ne reste que des empreintes à même la pierre.

Histoires d'amour, de vide, de pleins et de déliés. J'aimerais.

Elles racontent les histoires de l'autre hémisphère.

Au sein de leurs grains de pierre. Cristaux aux serres d'acier. Qui retiennent les bribes de phrases en suspens. Agglutinées à l'air du matin. J'aimerais.






Réveil improbable ?



« La vie est un songe ». Leitmotiv depuis des siècles. Tout autour de la terre. Il insiste, hache les phrases, heurte le souffle. Meurtres, amours, illusions, décadences, tous enfouis au sein de la nuit, imbibés de la moiteur des draps. Petits fantasmes bénins. Qui dictent leur éternité de sommeil. Tout autour de la terre. Tombés dans l'oreille de sourds, incrédules, impavides. Leitmotiv inutile.

Ce sont des mots-sommeil. Si beaux qu'ils endorment. Si doux qu'on n'y comprend plus rien.  Ils racontent des histoires. Sur les plages de la nuit. Assoupies.

Mais voilà, le matin a effacé les ombres de la nuit. C'est une vigilance blanche. Qui veut oublier. Essorée par les cycles des sommeils. Arrivent alors des êtres revêtus de leurs costumes d'entre-deux mondes. Entre rêves et réveil. Métissés. Fragmentés. Eclatés. Débris minuscules, broyés par la morsure des songes. Ils arrivent quand vient le jour et que se réinstalle le couvercle des habitudes. Ne savent plus.

Ne restent alors au matin que des mots obscurs. N'arrivent plus à sortir. Ils vont jusqu'à se demander : "Mais qu'ai-je donc dit ?"
Humilité vagabonde. Certaine incertitude. Ils guettent l'épure d'une improbable lumière.
Mais "la vie est un songe", qui ne le sait ? Ce sont des mots-sommeil. Si beaux qu'ils endorment. Des mots qui endorment en voulant réveiller. C'est comme un vaccin qui jamais ne prend.

Alors, pourquoi écrire donne parfois le sentiment de se réveiller ? De franchir sans cesse ce pont entre deux. Car pas à pas. Entre deux phrases, entre deux mots, joindre les deux bouts. Relance. Jamais assurée. Intranquille. Qui s'essaie, efface, joue. Se tait. Puis réveille doucement la coque des mots.

Ils sont devenus insignifiance, bruit, coulures du monde.

De ce côté - ci des mots, dans leurs zones d'ombre.  Ecrire. Réveil improbable...?



dimanche 27 octobre 2013

L'ermitage du bananier


Vous qui vouliez pénétrer ses feuilles,

Pluie glacée,

Vent déchirant.

Comment  maintenant y habiter ?









jeudi 17 octobre 2013


Ecrire

C’est un tableau qui donne envie de peindre. Il est dans un musée. Il se veut abstrait. On aimerait l’habiter. Des lignes s’y rejoignent au-delà des formes. Juste des traits avec un vide qui suggère. Le regard les complète. Il franchit le vide qui les sépare. Parfois, il y en a comme ça, sur les vieux murs d’ardoise, des lignes formées par les fissures des pierres. La matière suggère. Elle écrit. Peindre ou écrire, une seule et même chose, le monde dans la main, disaient les vieux peintres chinois.

Ecrire.

Un chemin. Sur une ligne de crête, au soleil levant. Avec le mal-être dans le dos.

Le « mal » tire d’un côté. Sur les chemins bruyants le long du versant ensoleillé, il pousse à écrire. Ça commence toujours comme ça. « Ecrivez ! » Et le « mal » devient bavard. Il force le trait. La paille, la poutre, vous savez…, ça encombre les yeux, obscurcit le texte, incommode la lecture.

Et puis « l’être », de l’autre. Enfoui dans les forêts. Sur le versant ombré. Il voulait dire la substance de ce qui s’est écrit quand est née la parole. Puis, un jour, toutes les histoires qu’on avait besoin de raconter, ont disparu. Ne reste que ce désir qui pousse à dire encore et encore. Mais quoi ? Raconter, malgré tout, de petites histoires....  Autrement ? La vie n’est faite que de cela. On n’échappe pas aux petites histoires. On peut les aimer. Ou non. On peut en rire. En pleurer. Peut-être même y croire. C’est selon. Et tout ça, c'est encore la vie, dans tous ses états. Elle vient. Elle miroite. A travers ses yeux mi-clos, un soir de fièvre, quand s’endort le jour. Par un mail inattendu qui dévoile la neige tombée sur les cheveux d'un vieil ami, après des années d’absence. Quand la chaleur prend le corps dans son désir. Toujours, elle raconte. Le temps, cet artiste, à partir de mille riens, raconte. Car même si ces récits ne sont rien, rien ne se dit sans ces récits. Sans eux, nous ne sommes rien.

Ecrire rend intime à ce rien. Se fait locataire des fissures de nos certitudes.
Ecrire en se souvenant du mal, sans oublier l’être.
Ecrire, car devant sa page blanche, le monde, dans le même temps, se réordonne. De par la grâce de tous ses aménagements de plume. Ecrire car avec lui, vient le sentiment que les choses à nouveau se redéploient.

Ecrire. Respirer. Voilà le vent.  Encore.