Je me souviens de toi,
souriant. Tu dormais. Paupières mi-closes. Chat-Bouddha. Au museau en étoile.
Une chanson d’enfant sur les lèvres :
« Clair de lune, blanc
ivoire, où se dresse un banian, Petit bonhomme de la lune y embrasse un songe. Dans
le silence, douceur tranquille, Petit bonhomme, que fais-tu dans la lune ?
Le vent n’a pas de
maison, le vent vole en toutes directions, jamais le vent ne s’arrête …
La lumière s’est
détachée, la voilà sur la colline. Puis elle a grimpé à l’arbre mais ses jambes
fatiguées l’ont faite se poser là.
Nous pénétrant de la rieuse lumière, nous
voilà en joie, en jeu sommes prêts…
Si tu veux aller dans
la lune, demande donc une échelle à monsieur Ciel. Au 15 Août, immense est la
lune, demande une échelle à monsieur Ciel, si tu veux l’atteindre. »
Il a entr’ouvert les
yeux. Le chien l’a regardé. Lui a dit l’air étonné :
-Où sont passées tes
oreilles ?
-Je chantais. Point
besoin d’oreilles quand on chante. Je ne supporte pas ceux qui s’écoutent
chanter ou parler…
Vie du vent, vie de la
lumière, remous de l’enfance. Où commence la vie ?
« Pour les âmes,
la mort est de se changer en eau. Pour l’eau, la mort est de devenir terre. Et cependant de la
terre naît l’eau, et de l’eau, l’âme[1]. »
C’était un
Chat-Bouddha. Le chien a regardé la mère et lui a dit :
-Tu dois aimer les
chats.
-Pas forcément, a dit
la mère.
Elle n’a pas su d’où lui
était sorti ce mot « Chat-Bouddha ». Peut-être des yeux de pierre de
ce vieux bouddha qu’elle avait vu. Le front ébréché par le temps. Au sourire
éternel. Résistant à tout. Inoxydable aux intempéries de la vie.
Bouddha
faiseur de boddhillons, en haillons mais si joyeux et si pauvres. Ils ne
peuvent être que de pierre à être heureux en étant pauvres. Sans besoin aucun.
Et courir pieds au vent. Comme les bambous jettent leurs dernières fleurs,
avant de rejaillir en pousses neuves, bouddha fait ses boddhillons. Pour propulser
non pas tant la vie, mais cette vigilance envers elle.
Le chien est revenu
interroger Chat-Bouddha.
-Tu crois que tu peux
ainsi oublier la vie terrestre ? Tu commences à peine de vivre.
-Ceux qui ne savent pas
écouter, ne savent pas parler. Jamais alors ne commencent à vivre.
Les volets battent
contre le mur. Respiration du vent. Attentifs au souffle. Aux herbes, aux brindilles. Le
chat s’est roulé sur le sol, pattes en l’air, au soleil. S’offrant aux
caresses. A la chaleur. Aux sourire.
-Minou, mouni, minou !
Il n’a même pas daigné tourner la tête. Faisant mine de rien. Adolescent de quelques siècles.
Il est rare qu'un chat boude... celui-ci est gentil !
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